(Version française en bas de page)
Since my childhood, I have been excited about borders and mostly at their crossing and about what is located on the other side. It is due to my childhood games and my education, which have taught me that our garden comes to an end at a concrete place and that on the other side of the wattle-fence, of the ordinary fence, I am no longer at home, but in my neighbor’s territory, where „one should not go”. It is a logical conclusion. Whenever I was alone, everything made me cross them, explore what was forbidden and find out what happened beyond, hide myself and watch for consecutive hours, sitting on the branch of a tree, behind coppice and behind some bush.
Borders are fixed. Walls, barriers and lines are drawn. They divide us. They mark another place and the people beyond the barrier, the others, who are quite often not so good, not so nice-looking, demanding and envious in our opinion. We would be their grass, but greener. Here, I would like to mention the existence of our neighbor, of the other belfry, of the other district, of the other side and of the other world in which the Others live.
In our view, they disappear, become smaller and already are simply symbolic borders, which we cross with ease. Our borders have been abolished. There is easy and free movement. They are an earmark of the past, but in reality they simply have been relocated, becoming more distant from us, but stronger and more technological than before.
The borders of “walls” type represent barriers, placed by governments, in order to obstruct migrant/migration flows. These eternal fortified walls are erected, relocated and in reality never disappear. The same is with what has been forbidden – its crossing is temptation, but sometimes also struggle for survival. On the other hand, we must mention observation and prowling, so that one can obstruct every illegal crossing of borders. People, desired from this side of the barrier, start diligently to obstruct the passing of others, to inspect, block and draw. By means of archaic, even barbarian techniques, they smooth out and polish these accesses; set traps for traces and traps for proofs, whereas the other, illegal immigrant has ventured to cross them, by means of which, has dirtied and broken into our place of residence…
Now I am here, standing at the well-known border between USA and Mexico, Latin America. I am from the northern side, a popular destination. I walk past a triple metal barrier, a strong and highly erected fortified wall. There is nothing special. I hear the music and the life passing across space…and I imagine. Just under my feet, there is a path of sand, clean, washed, tamped and for this reason, it is very clean. My steps leave their mark just like a red hot iron on human skin. That’s right, but it is desired; several civil militias take care of it, using their own means, with harrows of tyres, old brushes for cleaning, as every method is good for the persecution of those-others, those-who have come from the South, in order to detect them and to make their life miserable. What would be America without them?
As an introduction to the show entitled „No need to shout” of Marie Richeux, broadcasted on France Culture channel, during which she introduced the guest geographer Stephane Rosière, this text about geo-politics was displayed on the wall:
„Nowadays walls separate. It seems that a wall is an unchanging reflective form, which divides two territories. A wall has been erected between both German states; a wall has been built between Israeli people and Palestinians. Walls – peacelines – erected in Belfast, or more recently in Baghdad. In the world in which free movement and globalization seem to be key words, it turns out that we are eye-witnesses mostly to the consolidation of borders, a direct consequence of migration flows. No matter how we call them, we must erect these walls, must finance their construction, their maintenance and paradoxically, their security… And, who has any benefit of these walls?”
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Depuis mon enfance, j’ai été passionné par les frontières et surtout par leur franchissement, par l’autre côté. Cela vient de mes jeux d’enfant et de mon éducation où l’on m’a appris que notre jardin se termine à un endroit précis et que de l’autre côté de la haie, de la clôture, ce n’est plus chez nous, c’est chez le voisin, « on n’y va pas ». Conclusion logique, quand j’étais seul, tout me poussait à les franchir, à transgresser cet interdit et aller voir ce qui se passait de l’autre côté, me cacher et observer pendant des heures durant, assis sur la branche d’un arbre, derrière le feuillage ou sous un buisson.
Les frontières se dressent. Murs, barrières se tracent, lignes. Séparent. Elles marquent l’ailleurs et ceux d’ailleurs, les autres, souvent moins bons, moins biens, demandeurs, envieux, à nos yeux. Nous serions leur herbe, plus verte. Il y a le voisin, l’autre cloché, l’autre région, l’autre pays, l’autre monde où vivent les Autres.
A nos yeux, elles disparaissent, s’amenuisent, ne sont plus que marques symboliques que nous franchissons avec aise. Nos frontières sont tombées. Facilité et libre circulation. Elles marquent le vestige du passé mais elles ne sont, en fait, que déplacées, plus éloignées de nous, plus fortes et technologiques qu’avant.
Les frontières-murs sont essentiellement des barrières créées pas les gouvernements pour empêcher les flux migratoires. Ces remparts de toujours se dressent, se déplacent, ne disparaissent jamais vraiment. Et comme l’interdit, le franchir est tentation mais aussi parfois survie. C’est aussi, de l’autre côté, la surveillance, l’aguet pour contrer tous franchissements illégaux. Des hommes, en ces côtés désirés, s’ingénient à empêcher, à vérifier, à bloquer ou à tracer. Par des moyens archaïques, limite barbares, ils lissent et re-lissent les abords ; pièges à traces, pièges à preuves que l’autre illégale s’est osé à franchir pour venir souiller le chez-nous…
Ici, je suis à la frontière, bien connue, entre les USA et le Mexique, l’Amérique Latine. Je suis du côté Nord, la destination. Je marche le long d’une triple barrière métallique, solide et dressée haute, un rempart. Il n’y a rien. J’entends la musique et la vie emportées au travers. Je devine aussi. Sous mes pieds, un chemin de sable, propre, nettoyé, damé, nickel. Mes pas s’y marquent comme un fer rouge sur la peau. C’est bien cela, c’est voulu ; quelques milices citoyennes s’en chargent, de leurs moyens, herses faites de pneus, vieux rouleaux de nettoyage, tout est bon pour pister ces autres, ceux-là venus du Sud, les repérer, les traquer. Sans eux, qu’aurait été, que serait l’Amérique ?
En introduction à l’émission « Pas la peine de crier », de Marie Richeux, sur France Culture, où elle recevait le géographe Stéphane Rosière, était ce texte sur la géopolitique du mur :
« Aujourd’hui les murs séparent. Il semble que le mur soit toujours la forme réflexe pour séparer deux territoires. C’est un mur qui fut dressé entre les deux Allemagnes, un mur qui fut dressé entre Israéliens et Palestiniens. Des murs – peacelines – construits à Belfast, ou encore tout récemment à Bagdad. Dans un monde où libre circulation et globalisation sont censés être les maîtres-mots, il apparait que c’est à une durcification des frontières que l’on assiste plutôt, corolaire d’un rapport aux flux de migrations. Quel que soit le nom qu’on leur donne, il faut les bâtir ces murs, il faut financer leur construction, leur entretien, et, paradoxalement, leur surveillance… Alors, à qui profitent les murs ? »
Exhibition « Barbarie« , Lyon, 2014